

Le long de la route du Thalassa, des mesures acoustiques sont réalisées en continu avec des sondeurs halieutiques multifréquences (18, 38, 70, 120, 200 et 333 kHz). Les acousticiens (Viviane, Gildas et Jérémie) se relaient en quart pour veiller à la bonne acquisition de ces données.
Les données acoustiques se présentent sous forme d’échogrammes avec une mesure par seconde environ entre la coque du navire et le fond. Elles apportent des informations sur la répartition horizontale et verticale des organismes (poissons, crustacés, gélatineux, etc.) et certains paramètres environnementaux comme la profondeur de la thermocline, les ondes internes et le gradient d’oxygène.
Pour améliorer la compréhension du fonctionnement et de la dynamique de l’écosystème, ces données seront analysées au regard d’autres données environnementales collectées lors de la campagne : physico-chimiques (température, salinité, fluorescence…) et biologiques (organismes marins pêchés par des chaluts et filets).


Pendant SCOPES-THALASSA, nous avons réalisé 46 stations CTD. Pour cela, nous utilisons la rosette préparée avec soin par Pierre et Fabrice (IMAGO-IRD, Brest), bien affublée, avec ses 24 bouteilles de 8 litres et un nombre important de capteurs (sans oublier sa petite boule de Noël verte, merci Pierre !).
Parmi eux, l’incontournable sonde SBE, qui donne en temps réel la température, la salinité ainsi que la concentration en oxygène et la fluorescence le long du profil vertical. La SBE était complétée de cinq autres instruments pendant. Le SUNA (Submersible Ultraviolet Nitrate Analyzer) permet de connaître la concentration en azote (nitrates) disponible pour le phytoplancton. La fluoroprobe nous donne une indication sur la composition de la communauté phytoplanctonique à l’aide d’une analyse de fluorescence à différentes longueurs d’onde. Le LISST (Laser In-Situ Scattering and Transmissometry) fournit une analyse spectrale de la distribution en taille des petites particules (de 2 à 400 µm). L’UVP (Underwater vertical Profiler) quant à lui nous renseigne sur la distribution verticale et la nature des particules les plus grosses (> 100 µm), notamment le zooplancton. Enfin, la rosette embarque un capteur acoustique AZFP complémentaire de celui qui équipe le Thalassa.
En pratique, l’équipe en charge de la CTD (Mathilde et Pierre) prépare la sonde, les bouteilles de prélèvement (Niskin) et met en marche les capteurs. La sonde est descendue près du fond, et, suivant le profil mesuré, les bouteilles sont fermées aux profondeurs d’intérêt, près du fond, dans le maximum de chlorophylle, près de la surface, et à d’autres niveaux qui attirent la curiosité de l’équipe (minimum d’oxygène, gradients de température, chlorophylle ou salinité etc.). Une fois la sonde remontée à bord et les capteurs éteints, les prélèvements peuvent commencer. Ils serviront pour de nombreuses analyses physico-chimiques (sels nutritifs, oxygène) et biologiques (étude de la communauté planctonique : diversité taxonomique morphologique et génétique, physiologie, métabolisme (production primaire ; contenu en lipides et acides gras pour le phytoplancton et le microzooplancton). Chaque prélèvement dans les bouteilles Niskin correspondant à chacune des variables mesurées est retranscrit dans une fiche de station soigneusement remplie par Pierre.


La photosynthèse marine, chez les micro-algues comme celle des plantes terrestres, est plus ou moins intense selon les conditions ambiantes, principalement le niveau d’éclairement par le soleil, la disponibilité des différents nutriments indispensables (azote, phosphore …) et la capacité de la communauté de plancton en présence à tirer parti de ces conditions. Mesurer l’intensité de l’activité de photosynthèrse fournit des informations importantes concernant la disponibilité de nourriture pour les niveaux supérieurs de la chaîne alimentaire donc sur le fonctionnement de l’écosystème.
Parmi les méthodes utilisées pour estimer l’activité photosynthétique durant SCOPES figure la fluorescence variable de type Fast Repetition Rate fluorometry (FRRf). En pratique, les systèmes FRRf Act2 de paillasse ainsi que le profileur in situ APD (Ambiant plus Dark sensor) permettent de connaître le devenir de l’énergie (solaire ou créée artificiellement par des lampes) absorbée par les micro-algues. On détermine ainsi la fraction de cette énergie qui peut être effectivement utilisée pour la photosynthèse, le reste étant dissipé sous forme de chaleur ou réémis sous forme de fluorescence. Ces informations seront particulièrement utiles pour améliorer les modèles de biogéochimie marine.


Les dernières nouvelles datent d’il y a deux semaines. Les photos et vidéos des opérations menées ces dernières semaines ne manquent pas mais il nous aurait fallu au moins une personne dédiée à la communication pour agencer tout cela en récit sans y laisser quelques précieuses heures de sommeil … Nous avons été bien occupés avec notamment: une station de 24h en dérive par 3000 m de fond au large de la Casamance au sud du Sénégal ; notre remontée jusqu’à la presqu’île du Cap Vert (Dakar) ponctuée de centaines de profils de Scanfish et de traits de chalut destinés à comprendre le comportement des organismes (mesopélagiques) qui migrent sur plusieurs centaines de mètres pour se dissimuler dans les profondeurs obscures le jour, et se repaître la nuit de la nourriture présente près de la surface. En binôme avec le voilier Yaouank, nous avons ensuite suivi une masse d’eau d’upwelling riche en nutriments identifiée par notre bouée dérivante. Du fait de la diminution du vent, cette masse d’eau s’est rapidement retrouvée dans les petits fonds du plateau, où heureusement Yaouank est parvenu à la protéger des assauts des pêcheurs alléchés par son joli scintillement nocturne.
Puis nous avons exploré une zone très dynamique agitée par des ondes internes, l’équivalent des vagues dans l’intérieur de l’océan. Restait à relever les quatre mouillages déployés en début de campagne. L’un d’eux a malheureusement été endommagé, vraisemblablement du fait de l’activité de pêche mais les dommages sont limités. Ouf, on ne s’en sort pas si mal compte tenu de la densité de pirogues dans la zone …


Après avoir reçu une dernière visite du voilier Yaouank qui nous a confié les échantillons (plancton et sardinelles) collectés à la côte par nos collègues et partenaires pêcheurs piroguiers, nous avons démarré notre remontée vers Saint Louis au nord du Sénégal. Sur notre route, impossible de résister aux attraits d’un beau filament d’eau d’upwelling riche en plancton, situé juste sous la frontière avec la Mauritanie …
En bref, le bilan de SCOPES c’est: 3650 kilomètres parcourus dans les eaux sénégalaises avec un suivi continu de la température, de la salinité, de l’oxygène dissous et de nombreux paramètres relatifs au fonctionnement de l’écosystème planctonique. Au cours de ce parcours ont aussi été réalisés: plus de 2500 profils SCANFISH (127 h) de température, salinité, oxygène dissous, fluorescence, turbidité et nitrate; 46 stations CTD (propriétés chimiques, biodiversité et qualité nutritive du plancton, imagerie des communautés de plancton, mesure de l’activité photosynthétique …), filtrations de 7200 litres d’eau dans nos différents filets à plancton; 14 traits de chalut micronecton; des centaines de profils pour mesurer la microturbulence (post de blog à venir); 14 expériences d’incubation pour mesurer la production primaire des algues marines.
Merci à toutes et tous qui avez contribué de près ou de loin à cette belle aventure scientifique. Grâce à vous et aux efforts d’analyse qui démarrent nous espérons lever le voile sur quelques uns des nombreux mystères de l’océan ouest-africain.
De retour au calme, nous posterons de nouveau plus régulièrement dans les semaines à venir, à la fois sur les opérations qui continuent mais aussi sur celles qui ont eu lieu sur le Thalassa.


Retour sur quelques épisodes survenus depuis Jeudi 15 décembre.
Au cours de la descente vers le Sénégal, la Thalassa a longé le Banc du Sahara puis le Banc d’Arguin. Nous y avons observé une intense activité de pêche, avec des long-liners déployant 50 km de lignes équipés d’hameçons, de nombreux chalutiers dont certains sans AIS, des vieux rafiots tout rouillés, des gros bateaux usines … En restant quand même concentrés sur la préparation: organiser l’ensemble des espaces de travail, calibrer les instruments, régler toutes sortes de petits problèmes divers et variés, apprivoiser le navire, s’amariner, faire connaissance entre nous … L’équipage nous accompagne et nous assiste de mille manières. Ca rassure pour la suite d’être entre de si bonnes mains. La veille de l’arrivée au Sénégal, le commandant fait organiser un barbecue sur la plage arrière du navire ce qui permet aux scientifiques et au personnel naviguant de finir de “briser la glace”. Une campagne en mer est une aventure humaine. A bord du Thalassa nous sommes 49 à la vivre.
Impossible de dire toutes les péripéties. Voir le montage ci dessous pour un aperçu de nos débuts parfois difficile. Nous avons depuis trouvé nos marques. Très bonnes fêtes à tou·tes. Elles se dérouleront pour nous au large de la Casamance.


L’après-midi a été dédié aux préparatifs et bricolages pour l’équipage comme pour les scientifiques. Aussi à quelques emplettes pour les 3 équipiers dont la valise a été égarée.
Ce soir, les réglages de bande passante par nos électroniciens ont permis de projeter la demi-finale de la coupe du monde dans le carré alors que nous étions déjà loin des côtes.
Les choses sérieuses commencent dans 3 jours qui ne seront pas de trop pour finaliser la préparation de nos opérations.





© Jérémie Habasque (et merci pour cette embuscade photo matinale !).


© Xavier Capet

Déroulé des opérations


Mise à l’eau du mouillage M4 à Joal

© Etienne Poirier/Eric Machu

Mise à l’eau du mouillage M3 à Rufisque

Tall assurera les opérations de maintenance tout au long du déploiement, jusque fin janvier. Siny est notre océanographe local: c’est grâce à lui que cette collaboration avec le CLPA de Rufisque voit le jour.
© Siny Ndoye/Etienne Poirier

Préparatifs pour la mise en place des mouillages côtiers

© Ibrahima Mar/Eric Machu


De gauche à droite: Mar notre mécanicien attitré dans son atelier en plein air sur la plage de Bel-Air; Tall et Eric au LPAO-UCAD portant la cage M3; Etienne de dos affairé à la mise en place de la ligne M3 sur le toit du LPAO. Au centre, le schéma du mouillage complet (ligne + cage). © Etienne Poirier/Xavier Capet